La paroisse du Bouclier

« En conséquence, il est permis aux protestants de bâtir des églises à condition, néanmoins, que ces édifices n’aient aucune apparence extérieure d’église,… et qu’il n’y ait ni clocher, ni cloches, ni sonneries en manière quelconque… »

En passant rue du Bouclier, il faut avoir à l’esprit cet article de l’Edit de Tolérance promulgué par Joseph II en 1781. Certes il ne s’appliquait pas Strasbourg, française depuis 1684. Mais si les protestants de la Ville n’avaient pas subi la révocation de l’Edit de Nantes et restaient protégés par celui de Westphalie, le culte réformé en français y avait tout de même été interdit, et ce jusqu’en 1782. C’est donc entre 1788 et 1790 qu’est construit cet édifice discret, éloigné de la rue par une cour intérieure – il ne fallait pas qu’on entende le chant des psaumes de l’extérieur – et sans clocher jusqu’en 1905. Mais ce que la paroisse perd en visibilité, elle le gagne en bâtiments qui bordent la cour et qui vont permettre d’organiser toute une vie communautaire insoupçonnée.

Fabian Clavairoly, nommé depuis un an aux côtés de Pierre Magne de la Croix, voit dans ce repli imposé une des raisons de la richesse du Bouclier. Sans doute a-t-il poussé à imaginer des formes nouvelles ou originales de vie paroissiale. Ainsi, le fil rouge du Bouclier consiste à mêler la spiritualité à la vie quotidienne pour montrer que l’église, ce n’est pas à part. Du coup, c’est une église qui chante, qui mange et qui marche. On retrouve dans cette jolie formule les piliers d’une spiritualité qui se propose d’être à l’écoute des besoins de l’homme d’aujourd’hui. Les gens cherchent des réponse à des questions, mais nous ne voulons pas leur proposer des réponses toutes faites. Donc on essaie de greffer la spiritualité, en la calibrant, sur quelque chose qui serait de l’ordre du partage.

Chanter, marcher et manger

Ce partage est vécu dans la musique. Partie intégrante du culte, prière et commentaire théologique, chacun peut la pratiquer selon ses capacités, notamment au sein du choeur, l’un des plus anciens de Strasbourg, qui regroupe 80 chanteurs sous la direction de Christian Seckler, ou encore des Gospel Friends, ensemble vocal plus récent mais qui rencontre un vrai succès.

Partage aussi dans le chant de l’assemblée, soutenu par l’orgue, instrument très réussi, construit en 2007 par le facteur belge Thomas, dans l’idée de servir au mieux la musique de J. S. Bach.

Une Eglise en marche, quel symbole ! Au Bouclier, on marche pour le plaisir de découvrir la nature et d’échanger avec ses compagnons de route. Ce cheminement commun se vit au cours de balades de quelques heures ou de quelques jours dans les Vosges ou en Forêt Noire. Il peut aussi prendre la forme de voyages plus lointains, qu’ils soient touristiques ou fraternels pour partager le Kirchentag avec les amis allemands.

Le repas pris en commun est un marqueur originel des communautés chrétiennes. Au Bouclier, on en a fait une institution qui se décline sous de multiples formes : Stammtisch mensuel, repas fraternel préparé par une équipe de volontaires, Récital des saveurs qui, une fois l’an, fait alterner plats et interventions des musiciens de la paroisse… Autant d’occasions de se connaître et de s’apprécier et qui permettent aux pasteurs, pour chacune d’elle, de proposer la forme de spiritualité qui va correspondre, sans que ce soit trop ni trop peu.

Des camps avec les jeunes

L’attention portée aux plus jeunes est au centre des préoccupations. Trois années de catéchisme regroupent plus d’une quarantaine de catéchumènes. Et on part sans cesse en camp : camp d’accueil de la Toussaint, camp de ski en février, retraite spirituelle vers Pâques et, en été, trois camps différents, dont celui qui emmène les plus âgés pendant près d’un mois au Togo.

L’histoire a forgé le Bouclier au feu de l’accueil de ceux qui fuient l’oppression ou l’exclusion. Il en reste de solides partenariats avec la Cimade ou le Casas et, plus légèrement, l’accueil des protestants qui arrivent à Strasbourg et qui ne se retrouvent pas forcément dans le luthérianisme alsacien. Il en résulte une paroisse éclectique, mais où tous se retrouvent dans une ouverture et dans une théologie assumée comme réformée calviniste mais qui se veut libérale, ouverte sur le monde et sur la diversité.

L’écoute de la Parole de Dieu

Assumer son identité réformée calviniste veut dire surtout accorder une importance capitale à l’écoute de la Parole de Dieu et à son commentaire. C’est là, selon Fabian Clavairoly, le deuxième point fort de la paroisse du Bouclier et, sans doute, le plus important : l’exigence d’une prédication systématiquement enregistrée et publiée sur le site dimanche après dimanche.

Fabian Clavairoly

La diversité des cultes proposés est impressionnante : culte-cantate, culte-débat, culte à quatre pattes pour les 0-6 ans, Dimanche et fêtes pour les 6-11 ans, cultes festifs pour les temps forts de l’année liturgique, culte-repas pour le Jeudi Saint… Toujours cette volonté de ne pas séparer quotidien et culte. Mais au coeur du culte, quel qu’il soit, demeure la lecture biblique et son exégèse.

Gageons que la prochaine célébration oecuménique du 23 janvier 2015, qui se déroulera au Bouclier, permettra de mieux connaître une communauté au dynamisme réjouissant.

www.lebouclier.fr

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