Emmaüs-Connect

Le tissu associatif du quartier Gare, à Strasbourg, est d’une exceptionnelle richesse. Aux côtés de structures telles que les Petites Cantines ou l’Accorderie, Emmaüs-Connect est une nouvelle marque de solidarité et d’entraide dans une société toujours plus individualiste. Rencontre avec son responsable des opérations sur Strasbourg, Thomas Lecourt.

Connexion Solidaire

C’est une des plus jeunes planètes de la galaxie Emmaüs, en constante expansion. Jean Deydier est à l’origine du projet, au début des années 2010. Il est alors président d’Emmaüs-Défi, structure qui s’occupe d’insertion professionnelle de personnes en grande précarité.

À leur contact, il se rend compte que toutes ont en leur possession — et parfois pour unique richesse — un smartphone, sorte de lien social ultime. Mais c’est un lien fragile, coûteux à acquérir comme à recharger, étant entendu que l’accès à un forfait n’est généralement pas envisageable pour ce public. « De là est née l’idée de proposer une offre de connexion à des tarifs solidaires, » raconte Thomas Lecourt. La Fondation SFR a d’emblée offert son partenariat en mettant à disposition de ce qui s’appelait encore « Connexion solidaire » des recharges jusqu’à cinq fois moins chères.

La fracture numérique secondaire

« Assez rapidement, on s’est rendu compte qu’il fallait aussi proposer du matériel — smartphones, tablettes, ordinateurs… — à des tarifs solidaires. Et, dans la foulée, d’apprendre à utiliser tout ça. » Empiriquement, la nouvelle association avait ainsi défini les trois piliers de ce qu’on appelle aujourd’hui l’inclusion numérique : la connexion, le matériel, son usage. De fait, un des nouveaux dangers qui minent notre société de 2020 est la « fracture numérique secondaire », nommée aussi « illectronisme ». Tandis que les premières inégalités numériques concernaient la couverture réseau, l’illettrisme électronique désigne la difficulté, voire l’incapacité que rencontre une personne à utiliser les appareils électroniques et les outils informatiques en raison d’un manque ou d’une absence totale de connaissances à propos de leur fonctionnement.

« Or, souligne Thomas Lecourt, le numérique est devenu une compétence de nase, indispensable, obligatoire, imposée par la société actuelle. » En effet, un nombre croissant de démarches administratives se font ou se feront exclusivement sur internet. À la fondation d’Emmaüs-Connect, en 2013, les pouvoirs

publics n’étaient pas conscients de la problématique de l’inclusion numérique. Les fondateurs ont dû batailler pour faire admettre le fait que, sans une action politique d’ampleur, on risquait de créer une véritable bombe à retardement. À partir de 2016, deux démarches de masse ne se font plus qu’en ligne : l’inscription à Pôle-Emploi et les interactions avec la CAF. Mais le manque de préparation des professionnels de ces deux instances, aussi bien que l’incapacité de nombreux allocataires ou adhérent, provoquent une prise de conscience brutale. Rejoignant ainsi les préoccupations d’Emmaüs-Connect et d’autres acteurs du secteur, le gouvernement d’alors va commencer à esquisser une politique d’inclusion numérique.

40% de la population en difficulté numérique

Dès lors, Emmaüs-Connect n’a cessé de grandir. Présent dans dix grandes villes du pays, il a ouvert son douzième site à Strasbourg il y a tout juste un an. « On a la chance de bénéficier de ce local assez central, accessible, se réjouit Thomas Lecourt. On y propose des accompagnements personnalisés ou collectifs, ponctuels ou à répétition, condensés ou étalés, adaptés aux difficultés de personnes qui vivent le plus souvent dans la précarité. L’autre axe, c’est l’accès à du matériel comme à de la connexion. » Le matériel proposé peut être neuf — dons de partenaires — ou reconditionné dans le réseau Emmaüs, à partir de collectes.

Tout le monde peut bénéficier des services d’Emmaüs-Connect, sans condition de revenus ou de régularité du séjour. Mais les personnes sont la plupart du temps orientées vers l’association par Pôle-Emploi ou la CAF, ainsi que par tout un réseau d’associations de l’action sociale et de l’insertion. En France, 40 % de la population se déclare en difficulté face au numérique. Cinq millions de personnes cumulent précarité sociale et précarité numérique, sorte de double peine dans la société actuelle. « À l’échelle de Strasbourg, ce sont probablement plusieurs dizaines de milliers de personnes qui ont besoin d’être accompagnées. » L’Eurométropole est donc en train d’organiser un réseau d’inclusion numérique, fédérant Emmaüs-Connect et les structures comparables.

Quarante bénévoles actifs

À Strasbourg, l’équipe est constituée de six permanents : trois salariés, deux volontaires en service civique et un stagiaire. Deux salariés sont formateurs-animateurs à temps plein et animent les formations collectives en binôme avec un formateur bénévole. Une quarantaine de bénévoles actifs ont déjà rejoint la structure.

Ils sont indispensables aux accompagnements individuels. Thomas Lecourt insiste fortement sur le besoin urgent de bénévoles supplémentaires pour faire face à la demande toujours croissante. « Toute personne qui se débrouille correctement avec les bases du numérique peut accompagner celles qui partent de zéro, pour peu qu’elle ait de la motivation, de la patience, un peu de pédagogie. » Les disponibilités sont très lâches, pas forcément régulières et chacun les renseigne sur un agenda en ligne en fonction du temps qu’il est en mesure de donner. Cette nouvelle forme de solidarité vous intéresse ? Allez voir sur le site ci-dessous et cliquez sur l’onglet « Devenir bénévole » !

33 rue Kageneck – 67000 Strasbourg
www.emmaus_connect.org/strasbourg

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