C’est une des plus magnifiques perspectives de la ville, une des artères les plus prestigieuses aussi. Antoine Wendling, mon arrière-arrière-grand-père architecte, raconte cette semaine la naissance de l’avenue de la Paix à Strasbourg. Dessinée dès le plan Conrath de 1878, elle éclot entre 1880 et 1910. Des immeubles classiques en bordent la première partie, des villas somptueuses la seconde.
De l’avenue de la Paix à la cathédrale

Antoine Wendling rappelle d’abord la genèse du tracé de la nouvelle artère. L’axe doit couper perpendiculairement l’avenue des Vosges. Il rejoint ensuite la place de la République. Pour cette dernière, on a choisi de ne pas tenir compte de l’axe de la place Broglie. Mais le lien avec la vieille ville se fera visuellement. Depuis la porte de Schiltigheim, l’avenue de la Paix visera la flèche de la cathédrale en ligne directe. Mais, pour bien marquer les esprits, on la baptisera d’abord Deutsche Strasse.
L’avenue de la Paix des Klein
Justement, mon trisaïeul s’amuse du fait qu’elle soit essentiellement construite par des architectes alsaciens pour des commanditaires strasbourgeois.

Ainsi, Jacques Klein et ses fils Jacques et Émile construisent-ils une bonne part des immeubles et des villas du début de l’avenue. Ils restent généralement fidèles au style que le père affectionne : le style Louis XIII. Antoine Wendling partage ce goût pour le mélange de brique rouge et de pierre de taille, ces ornements classiques et discrets. Ils donnent le ton d’une Deutsche Strasse aux contours singulièrement français.
L’avenue de la Paix de Brion et Berninger
Comme pour le confirmer, deux autres architectes alsaciens, Brion et Haug, alignent aussi de grands projets sur l’avenue. Des immeubles de rapport, plus démonstratifs que ceux des Klein, mais toujours dans le goût français. Mais surtout une villa superbe, le long du Contades, pour le brasseur Burger. Antoine Wendling en note le luxe et l’opulence, sur lesquels il porte un regard amusé.


De l’autre côté de l’avenue, les mêmes Brion et Berninger construisent une villa pour la famille Aufschlager. Plus retenue, plus sobre, abrite de nos jours le consulat d’Autriche. À l’époque de mon trisaïeul, elle fait partie de ces grands hôtels particuliers qui essaiment tout autour du Contades. En lui conservant son caractère paysager, ils font du parc et de son quartier un secteur prestigieux de la Neustadt.
L’avenue de la Paix des architectes allemands
Quelques architectes allemands intervinrent tout de même sur l’avenue de la Paix, pour quelques commanditaires allemands. Entretemps, l’axe avait été renommé Kaiser Friedrich Strasse. Le docteur Krieger s’y fit bâtir l’une des demeures les plus ostentatoires de Strasbourg. Située à l’entrée du Contades, elle mêlait toutes sortes d’influences, dans un historicisme qui ne recueillit guère les suffrages d’un Antoine Wendling vieillissant.

Le triomphe du béton

J’imagine qu’il aurait, malgré tout, préféré sa préservation. Mais les années 1970 eurent raison de bon nombre de villas de l’Est de l’avenue de la Paix. Elles cédèrent leur place à des barres résidentielles sans âme, mais bien plus lucratives. Le beau parc du Contades y perd une partie de son charme.
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