Jamais mon arrière-arrière-grand-père Antoine Wendling n’a entendu parler d’un lycée Charles Frey à Strasbourg. Et pour cause, l’édifice ne reçut le nom de l’ancien maire de Strasbourg que bien plus tard. Par contre, mon trisaïeul a assisté à son édification, en 1893, sous le nom de Drachenschule, école du Dragon. Il le tient de l’ancien hôtel du Dragon, dont on sent bien que la destruction a peiné mon ancêtre.
Le quai Saint-Nicolas
Antoine Wendling commence par planter le décor. Pendant des siècles, le quai Saint-Nicolas s’est paré de demeures des familles les plus nobles de la ville. Jusqu’à nos jours subsistent ainsi de beaux hôtels particuliers remontant parfois au XVIe siècle. Très réputé, ce quai dont on dit qu’il est le plus ancien de Strasbourg, était surnommé Herrenstaden, quai des nobles.
L’hôtel du Dragon, avant le lycée Charles Frey
Au niveau de la rue de l’Écarlate, le quai Saint-Nicolas s’interrompait et butait sur le magnifique hôtel du Dragon. Sur l’emplacement exact de l’actuel lycée Charles Frey, celui-ci abritait d’éminentes familles nobles, dont les Drachenfels, qui lui donnèrent son nom. Antoine Wendling en apprécie l’élégante et sobre architecture en équerre, remaniée en 1671, et la sublime tourelle d’escalier d’angle.
Il rappelle aussi que, devenu hôtel du Gouvernement, le bâtiment accueillit aussi bien Louis XIV en 1681 que le Dauphin en 1690, ou bien encore Marie Leczszinska et son père, lors de son mariage par procuration avec Louis XV en 1725. Les fêtes données sur l’Ill étaient sublimes.
Décadence de l’hôtel du Dragon
Mais à l’époque de mon trisaïeul, le vénérable hôtel est, depuis longtemps, confié à l’administration militaire qui en a fait un magasin de lit. L’édifice n’intéresse pas une armée allemande trop nombreux et aux besoins démultipliés. Peu à peu, il tombe en décrépitude, malgré son intérêt historique et patrimonial. Il sera détruit en 1887.
Le lycée Charles Frey, ex Drachenschule
Soucieuse d’étendre sa politique de constructions scolaires pour une population germanique grandissante, la municipalité décide la construction d’une école. Après l’école Schoepflin, après le Neue Realschule (collège Foch) et avant la Höhere Mädchenschule (Lycée des Pontonniers), la Drachenschule est destinée aux jeunes filles protestantes de la paroisse Saint-Nicolas et catholiques de Saint-Louis. L’architecte municipal Johann Karl Ott choisit un style « néo-Renaissance germanique » qui agace Antoine Wendling par sa lourdeur et son aspect colossal.
Le vieil architecte, à l’instar des Strasbourgeois de l’époque, regrette la finesse de l’hôtel du Dragon. Il déplore une architecture officielle sans égard pour son environnement, surchargée et inutilement historicisante. Les courants postérieurs, avec le Heimatstil, iront dans son sens.
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