Marie raconte Strasbourg libérée

Pour une fois, mon trisaïeul Antoine Wendling laisse la parole à sa fille, Marie. Elle raconte ses deux libérations de Strasbourg, ses trois guerres, ses quatre changements de nationalité. Née en 1870, elle fait partie de ces Alsaciens qui ont vécu une période que notre époque peine à imaginer. Tandis que la guerre refait son apparition sur notre continent, ce qu’elle évoque aide à apprécier la paix à sa juste valeur.

Marie Müller-Wendling

Naître sous les bombes

Strasbourg - Théâtre bombardé 10 août 1870
Le théâtre de Strasbourg en flammes le 10 août 1870, jour de la naissance de Marie Wendling

Mon arrière-grand-mère est née dans une cave, au plus fort des bombardements de septembre 1870. Pendant huit mois, elle est Française, avant que le traité de Francfort n’en fasse une Allemande. Elle va le rester pendant 47 ans. On le sait, son père, Antoine Wendling, est un ancien soldat de la République, farouchement francophile.

Marie évoque sa jeunesse dans une famille strasbourgeoise qui, peu à peu, voit la France s’éloigner. Après son mariage avec le pharmacien Jean Müller, elle reconnaît la prospérité économique de l’Empire allemand dont elle profite. Elle et sa famille restent malgré tout dans une position d’attente que les tensions internationales ravivent.

Strasbourg libérée le 22 novembre 1918

Marie Müller-Wendling parle de la transformation de Strasbourg en vaste hôpital de campagne. Si elle n’est pas touchée par les combats, la ville ploie sous la dictature militaire.

Après le bref épisode révolutionnaire initié par des marins allemands mutins, les Strasbourgeois offrent un accueil délirant à l’armée française. Derrière le général Gouraud, elle entre dans Strasbourg libérée le 22 novembre 1918. Avec le recul, Marie comprend que cette « fièvre tricolore » n’est pas forcément généralisée à l’ensemble de la population.

Hansi 22 novembre 1918
Affiche de Hansi citant Victor Hugo

Les autorités françaises commettent des maladresses. Elles peinent à prendre en compte la spécificité d’une province allemande depuis près d’un demi-siècle. Marie évoque alors la naissance du « malaise alsacien ».

Une éphémère paix

Mariage Siebert Müller
Mariage de Jeanne Müller-Wendling en 1921

À peine plus de vingt années de paix… Jeanne et René, les enfants de Marie, convolent en juste noce. Trois petites-filles et un petit-fils viennent combler l’heureuse jeune grand-mère. Hélas, de la même manière qu’elle avait perdu son père peu avant la Grande Guerre, elle doit faire le deuil de son mari en février 1939.

Strasbourg sous la botte nazie

Son gendre ayant lui aussi disparu en 1937, ce sont trois générations de femmes qui se blottissent au quai Kellermann pendant l’occupation allemande. Mon arrière-grand-mère évoque son inquiétude devant la morosité de sa petite-fille Nicole, privée de père, de liberté, de sa langue maternelle…

Strasbourg - Congrès NSDAP 1941
Congrès du NSDAP sur la place Kléber en 1941

Strasbourg libérée le 23 novembre 1944

Le général Leclerc lors d’une prise d’armes sur la place Kléber le 26 novembre 1944

Grâce à la charge de la 2eDB du général Leclerc sur Strasbourg, Marie redevient Française pour la troisième fois de sa vie. Déjà âgée, elle assiste à l’enthousiasme de ses petites-filles. Leur panthéon se forme désormais autour de Leclerc, de Gaulle et de Lattre. Leur engagement dans le scoutisme, dans « Jeune Alsace », leur permet de se réapproprier leur chère Strasbourg libérée.


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